Ayant découvert les aquarelles que fit Alexandre Brun vers 1892, représentant la collection d’orchidées d’un collectionneur parisien passionné, Emile Libreck, j’avais voulu à l’occasion d’un cours, proposer de poser un fond sombre autour de notre sujet.
Mon cours ne fut pas une réussite, mes élèves furent moyennement emballés par le sujet et l’installation de ce fond de lavis sépia leur prit trop de temps qu’ils auraient préféré occuper à peindre les petits fleurons de Cymbidium que j’avais proposé comme sujet. Mais tout de même, l’expérience me semble enrichissante. Il est nécessaire de poser rapidement au moins un premier lavis ( ici : Sépia + Terre de Sienne brûlée) autour du sujet en le détourant assez précisément mais tout en sachant que l’obtention d’une belle couleur sombre peut se faire en plusieurs passages et que du coup, les marques de pinceau , visibles au premier lavis finissent par disparaître si on le désire. Pour modeler les couleurs des fleurs, il est important d’avoir déjà une référence sombre autour, car la perception des couleurs et des valeurs en est très modifiée. Je vous accorde que mon petit pot a l’air de flotter dans l’air… c’était une expérience !
A l’époque, Alexandre Brun qui n’était pas au départ un peintre de fleurs mais plutôt un peintre de marine et de portraits, avait choisi une option résolument à l’opposé de tout ce qui pouvait se voir en matière d’aquarelle botanique et le résultat est surprenant et magnifique.
Lors de la présentation de cette collection d’aquarelle, par ses héritiers, en 1981, à l’exposition annuelle d’orchidées de la Royal Horticultural Society, l’artiste a obtenu une médaille d’or à titre posthume.
Le livre qui montre cette collection d’aquarelles « Inoubliables orchidées, Alexandre Brun », écrit par Phillip Cribb a été édité chez Solar en 1992.
Pour aller voir d’autres images de ces beautés surgies de l’ombre, une petite visite s’impose là :
http://planetecv.canalblog.com/archives/2010/07/30/18297915.html
Dés le 18ème siècle, à Nuremberg, la famille Dietzsch avait inventé une technique particulière sur vélin, influencée par les tableaux à l’huile des écoles hollandaises et flamandes, qui toujours, présentaient des bouquets sur un fond foncé. La plus renommée pour ces sujets est sans doute Barbara Regina Dietzsch, mais sa jeune sœur Margareta Barbara et leur frère Johann Christoph ont choisi des sujets très semblables. Ils aimaient peindre des chardons parce que le rendu sur fond noir s’y prêtait particulièrement (les épines, les aigrettes et même voyez les fils de l'araignée!). Leur façon de traiter les insectes me semble très réaliste pour l’époque. Il ne s’agit pas d’aquarelle mais de gouache et le fond de vélin a, au préalable, été complètement noirci, je ne sais par quel moyen, car il fallait que ce fond soit parfaitement fixé, pour ne pas remonter dans les couleurs… En fait, pour qui connait la magnifique texture de surface des vélins, ce procédé paraît une hérésie ! Il faut rappeler qu’à cette époque, on ne parlait pas encore d’aquarelle; tous les peintres de fleurs utilisaient des gouaches très fines et ne se souciaient pas vraiment de transparence, peu compatible de toute façon avec un support comme le vélin qui ne boit pas ! Ajoutons que notre palette actuelle pour l’aquarelle botanique ne saurait se passer de pigments opaques comme le Jaune de Naples (bien qu'il ne s'agisse plus du vrai!) ou encore le Vert oxyde de Chrome, le Gris de Davy...qui sont bienvenus pour rendre des aspects glauques dans la verdure ou les couleurs laiteuses de certaines corolles…