On ne connait de ce peintre que trois grands panneaux peints à l’huile sur toile (92 x 120 cm) qu’on date d’environ 1615. J’ai pu en admirer deux de nouveau hier en faisant une longue visite à Paris au Musée des Arts Décoratifs. Girolamo Pini est un peu une énigme, il pourrait bien être un élève de Jacopo Ligozzi puisqu’il est actif à Florence au même moment. Le troisième tableau également au musée des Arts décoratifs et où figure au centre un très bel iris de Suze n’est pas accroché au musée, du moins en ce moment.

Girolamo Pini est complètement dans l’air du temps à l’époque où il peint ces toiles ; ce sont des Florilèges, sortes de beaux catalogues montrant surtout des plantes bulbeuses qui sont très appréciées dans les jardins princiers. Chaque plante de ces tableaux a nécessité une bonne dose d’observation botanique et cette tendance est assez récente à l’époque, encouragée par les mécènes éclairés et passionnés de sciences naturelles que sont les Médicis. Ici, le décoratif ne prend pas le dessus et le peintre a très probablement eu tous ces spécimens sous les yeux, ce qui donne une idée de la richesse des jardins botaniques de la renaissance au Nord de l’Italie. Trois de ces jardins fondés par les Médicis sont alors réputés pour leur intérêt scientifique : d’abord ceux de Pise et de Padoue, puis celui de Florence. Jacopo Ligozzi peint de vraies études botaniques sur papier. Girolamo Pini, lui, peint à l’huile et cette technique reste mieux en phase avec une conception plus décorative, plus anecdotique de ce genre de travaux.


Voyez par exemple cette mouche négligemment posée sur le rouleau de parchemin maintenu par des épingles qui détaille l’inventaire des plantes représentée sur le panneau. C’est le genre de petite fantaisie que s’accordent souvent les peintres de fleurs de l’époque, Giovanna Garzonni le pratique également. Mais jamais ces peintres de nature italiens du début du 17ème que sont Jacopo Ligozzi, Giovanna Garzonni ou Girolamo Pini ne vont tomber dans des apports un peu fantastiques qu’on pouvait voir au 16ème siècle dans certains cabinets de curiosités (par ex. sur les peintures de Joris Hoefnagel).

Par contre, il n’est pas interdit de tirer un parti le plus décoratif possible pour embellir la collection du prince, c’est cela un Florilège ; et Girolamo Pini nous montre son catalogue sous la forme d’un beau semis floral tel qu’on en voyait sur les tapisseries du moyen-âge sauf que là c’est le sujet principal du tableau et très bien documenté !
Le fond en mi-teinte caramel fait mieux ressortir les fleurs blanches, qu’il est toujours très délicat de représenter sur une feuille blanche, il faut l’avouer et là le peintre se régale de cette liberté que donne l’huile. Vous remarquerez que quelques vedettes sont mises à l’honneur, comme la Pivoine et la Fritillaire « couronne impériale », ainsi que l’Iris de Suze (que vous ne verrez pas !...).
J’ai tenté de retrouver les espèces figurées mais Linné n’était pas encore passé par là et ce serait hasardeux d’aller plus loin dans une identification. Bien sûr la Fritillaire impériale (Corona imperiale), est facile à nommer mais la grande Pivoine est listée comme Peonia dup. et je ne sais pas à quoi cela correspond !

Mes photos laissent à désirer, l’éclairage faible, les brillances sur la surface, mais je ne résiste pas à faire partager mon intérêt pour ces tableaux que vous devriez bien aller voir à l’occasion , rue de Rivoli, au Musée des Arts Décoratifs qui est une merveille à visiter !